Revue n° 20Mai 2014

De l'idéation à la mise en œuvre

Revue Vies de Villes  n°20
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Le Sahara peut-il être développé durablement ?

De notre correspondant Med Rida Zemmouchi
(Page n°30, 02 pages)

Le23 février 2014, l’Institut d’architecture et d’urbanisme de l’Université Larbi Ben-M’hidi d’Oum-El-Bouaghi a organisé une matinée d’étude ayant pour thème : «Le Sahara (Algérien) peut-il être développé durablement ?»

Le conférencier M. Marc Cote n’est plus à présenter, rappelons qu’il a été longtemps enseignant à l’Institut des Sciences de la Terre à l’Université de Constantine avant de prendre sa retraite et de se consacrer à la recherche. Il compte à son actif de nombreux ouvrages se rapportant essentiellement aux mutations rurales et urbaines survenues au cours des décennies qui suivirent l’indépendance de l’Algérie. Grand connaisseur des pays du Maghreb, il n’a pas manqué (avec la perspicacité qu’on lui connaît) de brosser un beau tableau des potentialités touristiques de l’Algérie, en particulier à travers un Guide d’Algérie, paysages et patrimoine édité en 1996 et qui demeure un ouvrage de référence dans le domaine touristique.

Il a signé dernièrement un autre livre :Empreintes Sahariennes qui est une sorte de compilations, d’analyses rétrospectives faites sur le Sahara Algérien et les changements perceptibles attendus à l’orée du 21e siècle, dans le cadre plus élargi du programme tracé par le SNAT (Schéma National d’Aménagement du Territoire),dans la perspective d’un «développement durable» suivant la formule désormais consacrée.

Une notion moderne mais souvent galvaudée :

A ce titre, rappelons utilement la définition de développement durable.«C’est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.»(Rapport Brundtland 1987). Ce concept est aussi né de la volonté de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement (CMED) de «proposer une voie de réconciliation entre le développement économique et les équilibres écologiques». De multiples associations écologiques se sont créées entre temps pour «faire barrage» aux puissances industrielles mondiales (récalcitrantes) qui polluent la planète, et surtout pour fédérer autour d’elles tous
les citoyens du monde, soucieux de la préservation de l’environnement.

Quelques solutions proposées

C’est dans cet esprit que semble intervenir M. Cote à propos des programmes de développement intégrés au Sahara (algérien), tels que définis par le SNAT et précisément l’article 4’ de la loi n°2001-20 du 12/12/2001 relative à l’aménagement du territoire, qui stipule : …«L’incitation à la répartition appropriée, entre les régions et les territoires, des bases et moyens de développement en visant l’allègement des pressions sur le littoral, les métropoles et grandes villes, et la promotion des zones de montagne, des régions des Hauts-Plateaux et du Sud.»

L’idée de ‘l’aménagement du Sahara’, comme l’évoquera en début de sa conférence M. Cote, a été lancée, il y a près d’un siècle déjà, par l’Académie des Sciences coloniales en France sous forme d’un concours remporté par un certain Emile Félix Gauthier à travers un texte intitulé «Le Sahara vaincu, peut-il être dompté ?» auquel le conférencier répondra aujourd’hui par : Le Sahara peut-il être développé durablement ?

Les ‘mutations’ progressives (chères à M. Cote) viendront donc avec l’avènement des ressources hydriques (eau) et le pétrole (à partir des années 1950) et qui donneront au Sahara algérien un nouveau visage (transfert hydraulique de In-Salah à Tamanrasset sur 750 km). °L’établissement d’une infrastructure routière, complétée ensuite par un réseau ou flux aérien (liaisons aériennes) avec le Nord puis intra-saharien, constituera la base du développement dans le Sud algérien.

Suivront des programmes de mise en valeur agricole (de 6 à 18 millions de palmiers), en plus de l’introduction des cultures intensives (essentiellement céréalières) grâce à l’apport de rampes-pivots et de cultures maraichères, et dont il est attendu des rendements meilleurs…

Conséquence de ces changements, le phénomène de l’urbanisation a pris de l’ampleur (étalement urbain des anciens centres urbains traditionnels et naissance de nouvelles agglomérations) en modifiant radicalement le paysage saharien. «On n’ira plus d’une oasis à une autre, mais de ville en ville», fera remarquer le géographe.

L’élément essentiel de ces transformations est induit par l’exploitation de la nappe aquifère (réserves d’eau dites ‘’fossiles’’ infiltrées depuis des millénaires dans les profondeurs de la terre).Toutefois, la surexploitation de ces eaux non renouvelables risque à terme de ‘’rabattre’’ la nappe aquifère, ou de l’épuiser tout simplement. On imagine alors les conséquences d’un tel résultat puisque le rythme (actuel)des prélèvements ne permet pas le ‘rechargement’ de la nappe par les infiltrations naturelles des eaux de pluie, en sachant pertinemment que la pluviométrie aujourd’hui n’est plus ce qu’elle était aux temps préhistoriques dans ces contrées devenues irrémédiablement désertiques…(lire l’article de M.Slim Sadki dans El-Watan Week-End du 20/11/2013).

M. Cote prône pour cela «le retour aux valeurs traditionnelles pour une prise en compte plus humaine du développement au Sahara».Il ajoutera aussi que «les populations sahariennes ont toujours su gérer l’espace (saharien) d’une manière rationnelle et écologique» ; il évoquera à ce propos la gestion des ‘’foggaras’’ et des systèmes de distribution de l’eau pour les besoins domestiques et agricoles, l’édification des ‘palissades’ (à l’aide de plantes et d’arbres adaptés) pour dévier les vents en atténuant l’avancée du sable, etc. Il ne manquera pas également d’évoquer ‘’l’habitat bioclimatique’’ qui a toujours caractérisé les constructions au Sahara (agencement des maisons, hiérarchie des rues et ruelles, le choix des matériaux qui concilient le mode de construction et la beauté des formes, ayant abouti au patrimoine architectural saharien (ksour) et dont les architectes devront s’inspirer…).

Le conférencier rappellera dans la foulée le succès récent (sur le plan technique) concernant la maitrise des «remontées des eaux» à El-Oued et Ouargla ainsi que le transfert de ces eaux (après leur épuration) vers les ‘’Chotts’’ environnants, en permettant une ‘deuxième’ vie à ces zones humides qui menaçaient de disparaitre et au pire d’être des zones d’épandage des eaux usées urbaines (voir l’article de M. Ali Titouche dans El Watan du 23/02/2014, en page 7).

Abordant un autre aspect de l’aménagement du Sahara, M. Cote plaidera «en faveur d’une ‘’micro-urbanisation’’ qui évitera la difficulté de gérer des ‘grandes villes sahariennes» :(problème d’eau, de traitement des eaux usées, de déchets domestiques et industriels, etc.). Néanmoins, il encouragera l’utilisation de l’énergie solaire dans toutes ses applications (saines) ainsi que les traitements ’‘phytoécologiques’’ dans l’épuration des eaux usées (variétés des plantes adaptées à ces fonctions dans des zones spécifiques).

Enfin, estimant que le tourisme saharien ne pourra jamais rivaliser avec le tourisme balnéaire, M. Cote posera comme préalables au développement touristique au Sahara deux conditions :

1/ Préserver autant que possible ‘’l’authenticité’’ du Sahara à travers son patrimoine matériel et immatériel.

2/ Ne pas altérer ni bousculer (par un tourisme de masse) les modes de vie locale.

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