Éditorial du n°27

La paix sociale ne s’achète pas, elle s’acquiert !

شكون السبة وشكون نلوم…… ملينا من المعيشة هدية
Cet hymne à la «mal vie» retentit comme une interpellation, une détresse profonde d’un peuple qui ne sait même plus quel est ce mal qui le ronge ? Il ne sait même plus qui doit-il incriminer, tant les responsables sont nombreux, tous secteurs confondus.

Nous devrions tous analyser minutieuse- ment ce qui se chante dans les stades, se dit et ce qui s’écrit sur les panneaux dans les manifestations antisystème.

C’est une erreur de croire que nous autres architectes et urbanistes sommes épargnés dans ces doléances légitimes du peuple algérien. Nous sommes en partie responsables de ce marasme général.

Beaucoup d’entre nous ont suivi docile- ment les pouvoirs publics à travers les injonctions des ministres successifs de l’Habitat et de l’Urbanisme, ceux-là mêmes qui ont clochardisé par leurs actions notre noble métier, en privilégiant toujours les chiffres au détriment de la maturation des études, et à la réflexion saine sur des pro- jets de villes conçus dans la cohérence et dans un climat de travail apaisé. Il n’y avait de place que pour les urgences.

On nous a imposé des typologies d’habitat collectif sans âme et totalement dépassées, concoctées dans des bureaux d’études hermétiquement fermés et en rupture totale avec les attentes de nos concitoyens. On nous a vendu un urbanisme asthénique, composé de bâtiments monotypes et extensifs à n’en plus fini, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest.

Des plans de masse muets en guise de projets d’avenir pour parquer des millions d’Algériens dans des F3, à tel point que les 67 m² sont devenus la monnaie d’échange pour gagner une pseudo-paix sociale.
Des logements de ce type, il en fallait, des millions selon eux, c’est tellement odieux qu’on ne s’est même pas rendu compte que c’était la plus grande fuite en avant jamais égalée dans l’histoire de l’Algérie, et que même la crise n’a pas freinée.

Grossière erreur ! Nous avons lamentablement raté des occasions en or pour justement gagner, non pas la paix sociale, mais l’estime et la reconnaissance de nos concitoyens désabusés. Il fallait construire des villes et non pas des zonings de cités dortoirs isolés de tout, des bouts de villes à taille humaine, avec les commodités de base pour une vie digne et facile, avec une architecture ancrée dans la modernité, sans reniement d’une quelconque identité régionale ou nationale. Aujourd’hui, les quartiers informels érigés par des auto- constructeurs, souvent sans architectes, nous semblent avoir beaucoup plus de potentiel d’évolution que ces cités HLM dont l’État nous gave à longueur d’années.

Pourtant, régulièrement, des voix se sont élevées pour dénoncer ces échecs. Ce n’est que 30 ans après qu’on s’est rendu compte que nos instruments d’urbanisme étaient obsolètes et inopérants. Un peu tard quand même, les citoyens se sont réveillés, le mal est fait, les gens veulent aujourd’hui un changement radical dans les pratiques. Il nous faut maintenant des compétences avérées, le bricolage doit cesser, car même si les solutions existent, elles seront très difficiles à mettre en œuvre. Comment infléchir maintenant cette tendance globale de ce déni de culture, de ce déni des élites ?

Le dossier concocté dans ce numéro de la revue braque les projecteurs sur ces quartiers que nous considérons, au sein de notre rédaction, comme de véritables laboratoires expérimentaux pour trouver des solutions innovantes et créatives. Des solutions pour faire renaître un nouvel urbanisme algérien 2.0, un urbanisme respectable et résolument moderne.

Vive la nouvelle république !

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couverture du numéro 25
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