Nos villes sont malades. Pas d’une maladie orpheline, ce qui est d’autant plus inquiétant – les problèmes urbains se généralisent, s‘étendent et se mondialisent: inconfort, malaise social, essoufflement économique, épuisement de ressources naturelles, pollutions et nuisances, perte d’identité deviennent un lot commun d’un nombre sans cesse grandissant des établissements humains, que ce soit dans les pays développés ou en voie de développement.
Tandis que le SNAT fixe en Algérie l’horizon d’une stratégie de développement territorial à l’an 2025, la ville – moteur de ce développement – se doit aussi de penser une vision de son avenir. Un exercice difficile. Qui peut en effet savoir aujourd’hui ce que seront les tendances urbaines dans les vingt ans à venir, au vu de la rapidité du progrès technologique ? En dehors d’une quasi certitude quant à l’avancée de l’urbanisation, la question reste ouverte. La voiture individuelle sera-t-elle toujours le mode de transport de demain, quel usage de friches routières faudra-t-il envisager si cela n‘était pas le cas ? Le stress hydrique et les changements climatiques ne risquent-ils pas d’imposer un nouveau modèle de l’habitat, de transformer l’image, l’organisation spatiale et les usages de la ville de demain ? Le développement des moyens de communication et d’information n’augure-t-il pas déjà des changements de modes de travail, d’enseignement, de soins, de loisirs en ville ? Quelles conséquences alors sur les relations humaines, sur la façon d‘être de la société urbaine ? Quels nouveaux horizons pour le développement économique et culturel, confronté à une globalisation et mondialisation des échanges ? Face aux incertitudes, une flexibilité et une démocratisation des choix s’imposent comme seul mode de sauvetage. Sinon, la ville risque de devenir un “bateau ivre” que personne ne saura maîtriser.
Anticiper les évolutions urbaines est certes difficile, mais pas impossible. Combien d’entre nous ont le courage aujourd’hui de se poser les vraies questions ? Emportés dans les jeux d’acteurs, les spéculations diverses et les antagonismes socioculturels, nous ne savons plus regarder vers l’avenir avec optimisme ni mobiliser nos propres énergies pour résoudre nos propres problèmes, et recourons de plus en plus à l’expertise étrangère qui reste, bon gré mal gré, totalement indifférente aux enjeux locaux.
Nous avons voulu prendre la température du climat actuel qui semble amorcer un virage. Plusieurs avis se croisent dans ce numéro. Se combinent dans les pages qui suivent les avis de chercheurs, des décideurs, des spécialistes et des professionnels du terrain; les avis de la jeune génération montante des urbanistes impatiente de prendre la relève, et ceux des connaisseurs expérimentés, insurgés depuis longue date contre “l’ordre apparent et le désordre caché” de nos villes – ou peut-être serait-ce l’inverse … ? Dans ce kaléidoscope d’opinions on sent, exactement comme dans la petite lunette magique, qu’il suffirait d’un petit tour de main pour changer l’image de la ville et obtenir des effets éblouissants.
Chaque contribution apporte son lot de singularité, mais toutes convergent vers un seul constat : la ville algérienne a besoins d’une thérapie de choc. Que ce soit dans l’encadrement institutionnel, juridique ou réglementaire, dans la planification, la conception ou la réalisation, dans la gestion de la cité, la formation des cadres et de la société civile aux problématiques de la ville – partout où les insuffisances ont été identifiées, un grand “remue-ménage” se prépare. Le désir d’en finir avec la médiocrité ambiante, de dépoussiérer les certitudes et d’oser les changements est tout à fait salutaire et passe, irrémédiablement, par un engagement sincère sur la voie de développement durable.