Il y a certes des priorités, mais il y a aussi des urgences !
Le 04 août dernier, un drame passé presque inaperçu s’est produit au Palais consulaire d’Alger. La corniche qui ornait le toit de l’édifice du côté ouest s’est tout simplement écroulée faisant un blessé parmi les employés. Quelques jours après, une autre partie de cette même corniche est tombée à son tour, heureusement, sans faire de victimes.
Par contre, beaucoup de dégâts sont à signaler, notamment au niveau de la salle de conférences. Juste avant ces événements, des échafaudages en bois à l’allure bizarre et à la stabilité douteuse étaient collés à l’édifice ; tout le monde pensait qu’enfin, ce joyau de l’architecture classique d’Alger, certainement parmi les plus beaux (voir article Vies de Villes n°02 de W.B.Amrouche) allait être restauré, il n’en est rien. L’hiver est à nos portes et rien n’est fait pour sauver ce qui reste à sauver et sécuriser définitivement les lieux. Ce n’est sûrement pas le déblocage, par la direction de la culture d’Alger, d’une somme de 6 millions de dinars pour des travaux d’urgence qui changera quoi que ce soit. Ce bâtiment de la Chambre nationale de Commerce et d’Industrie est sous la responsabilité du ministère du Commerce, propriétaire des lieux ; il a déjà énormément souffert lors du séisme de Boumerdès. Depuis, aucun projet de restauration sérieux n’a été programmé. Qu’est-ce qu’on attend ? Des fonds suffisants doivent être dégagés car il y a urgence !
Le patrimoine bâti algérois, catégorisé à souhait, ne mérite-t-il pas plus d’attention dès lors que son classement n’est pas envisageable ?… La vigilance est de mise.
Définir des stratégies et établir des priorités dans les actions de restauration et de confortement sont des tâches que nous maîtrisons, nous disposons des compétences nécessaires. Les risques et les menaces qui guettent les milieux urbains nous obligent aujourd’hui, plus qu’avant, à agir et agir rapidement ! C’est ce que préconisent les scenarii de catastrophes sismiques que nous abordons dans le dossier de ce numéro. Nous pensons que les résultats d’études scientifiques de prospection et les analyses approfondies peuvent être des stimulateurs bénéfiques pour sensibiliser les responsables et les citoyens en vue d’une meilleure organisation et d’une indispensable coordination intersectorielle qui permettraient d’engager des actions réfléchies, responsables et concertées, capables de révolutionner les modes de gouvernance urbaine face aux situations de crise que connaissent nos villes. Les drames liés aux récentes inondations qu’a connues le pays sont encore vivaces dans nos mémoires.
La gouvernance efficace doit s’exercer, par ailleurs, quotidiennement, pas seulement en situation de crise. Pour illustrer nos propos, nous avons tenu à vous présenter l’exemple du boulevard Sidi Yahia à Alger, un quartier sorti de terre en toute illégalité, juste par la volonté de quelques propriétaires de lots de terrain qui ont rapidement compris l’importance de cet axe. D’autres ont suivi le mouvement. Résultat : le mètre carré sur ce boulevard est devenu parmi les plus chers d’Alger. Comment un lotissement de maisons R+1 et R+2 a pu ainsi se transformer en un haut lieu “ branché “ de la capitale ? Comment insuffler de l’urbanité à un quartier qui supporte ce lieu, très mal structuré car non planifié convenablement à l’avance ? Pour nous, c’est une question qui mérite un large débat, car ce boulevard est loin d’être un cas isolé en Algérie.
Par le truchement de simples constatations, nous pouvons déduire aussi que les seuls instruments d’urbanisme qui ont actuellement force de loi : le Plan Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (PDAU) et le Plan d’Occupation des Sols (POS) sont dépassés, n’arrivent plus à gérer nos villes et appellent la mise en place d’autres instruments et outils pour faire naître de véritables “ projets de ville “. Cela ne peut se faire sans que soient codifiés les termes d’une maîtrise d’œuvre urbaine inexistante à ce jour. La loi sur l’architecture (94/07) doit être complétée afin de combler cet énorme vide juridique qui a rendu nos espaces publics orphelins, laissés à la seule appréciation de techniciens de la voirie… Nos villes méritent beaucoup mieux que cela.
Amis lecteurs, dans ce numéro, nous vous présentons aussi les lauréats de la deuxième édition de la Charrette d’Or, un cru exceptionnel et de jeunes architectes pleins de talents. Vous pouvez découvrir leurs projets commentés par leurs ainés membres du jury qui, il faut le signaler, ont eu beaucoup de mal à les départager. Par ailleurs, un événement important vient de se dérouler
entre les 22 et 24 octobre dernier à Barcelone, il s’agit du Festival Mondial de l’Architecture.
Nous y étions, nous vous ferons part de notre analyse et vous livrerons un compte rendu dans le prochain numéro. Une question centrale importante a été posée aux participants de cette manifestation : existe-t-il une architecture globale ? À méditer… Restez informés…
Akli Amrouche.
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