Revue n° 21Février 2015

Pour une sauvegarde active et participative de notre patrimoine

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Constantine, Capitale de la culture arabe en 2015: Est-ce le réveil de l’antique Cirta ?

De notre correspondant à Constantine : M. Réda Zemmouchi
(Page n°38, 02 pages)

Devant l’ampleur des travaux entrepris à Constantine, en prévision de l’évènement : ‘’Constantine, Capitale de la culture Arabe 2015’’, le touriste qui s’invite dans la ville des Ponts sera assurément déçu en cette période peu propice au …tourisme.

En effet, les multiples chantiers ouverts destinés à ‘embellir’ la ville dissuaderont les plus tenaces à faire le tour des ‘curiosités locales’… De la ‘nébuleuse’ de villes et villages ‘satellites’ qui gravitent autour de Constantine, en passant par les cités de banlieues qui ‘grignotent’ ses abords… jusqu’aux bidonvilles qui l’ont ceinturée et que l’on résorbe graduellement grâce (en partie) à la création d’une ville nouvelle baptisée Ali Mendjeli qui, tel un ‘réceptacle’ bienvenu, devra abriter 500 000 âmes (entre les relogés et les nouveaux locataires) à l’horizon 2020… Il reste la ‘’Vieille Médina’’ séculaire, dont il ne subsiste que quelques ‘quartiers’ au bâti vétuste qui peinent à sauvegarder la mémoire de l’antique Cirta. La ville européenne, elle, érigée au lendemain de la prise de Constantine en 1837 sur le ‘Rocher’ mythique, ne laissera de la Médina arabe que sa partie basse (Souika) et quelques constructions (mosquées, petites demeures familiales, placettes, etc.), telles des reliques d’une époque à jamais révolue.

Depuis, la ville a continué de s’étaler, en adoptant un urbanisme dicté à tous points de vue sur ‘le modèle colonial’, à l’accroissement démographique galopant et les contraintes d’un site d’exception, dont la vocation première était d’être défensif.

Ainsi et en dépit des ‘retouches parfois douloureuses et irréversibles’ sur le ‘Rocher’ lui-même, la ville s’est singularisée par des constructions très ‘audacieuses’ à l’époque : (Creusements de tunnels pour de nouvelles voies de circulation, dont le célèbre Boulevard de l’abîme ou encore la Route de la Corniche et de la voie ferrée vers le port de Skikda, arasement du plateau du Koudiat Aty, aménagement du chemin des touristes, etc.) ainsi que des réalisations architecturales ‘copiées’ sur celles de la lointaine métropole française : Théâtre, musée, cathédrale (actuelle mosquée ‘Istiqlal’), ‘Monument aux morts’ (dédié aux combattants français et algériens de la Première Guerre mondiale), en plus d’un parc immobilier destiné à ‘l’habitat collectif’ actuellement vieillissant… Bref, les symboles d’un mode de vie radicalement opposé à celui des autochtones.

L’ensemble de ce patrimoine bâti fait désormais partie intégrantede Constantine, qui s’est depuis enrichie de nouvelles réalisations propres à perpétuer son rôle de pôle économique régional, culturel, et touristique. A ce propos, on évoquera l’université qui portera la signature d’Oscar Niemeyer, la Grande Mosquée Emir Abdelkader, la ligne du téléphérique qui ‘survole’ le Canyon et transite par l’hôpital Ibn-Badis, le tramway qui reliera bientôt le Centre de Constantine à la ville nouvelle Ali Mendjeli sur une distance de 15 km, en passant par la nouvelle aérogare Mohamed Boudiaf, le ‘calibrage’ des oueds du Rhummel et de Boumerzoug… et surtout le nouveau Pont Salah Bey, inauguré en juillet 2014 (8e pont de Constantine). Ce grand ouvrage, conçu pour alléger la circulation routière, relie le Plateau du Mansourah à la Place de l’ONU (au niveau de l’ex-hôtel Transat) et les quartiers ouest de la ville, sans parler du programme de milliers de logements que l’on construit à travers toute la wilaya.

L’événement culturel précité (pour le mois d’avril 2015) et auquel une enveloppe globale de 60 milliards de dinars aura été mobilisée, a aussi permis d’inscrire d’autres projets à caractère culturel, nous en rappelons quelques-uns :
- La restauration des Centres culturels (Med-El-Aid-El-Khalifa et Malek Haddad) ainsi La Medersa et plusieurs mosquées de la vieille ville, de la transformation de l’ancien siège de wilaya en musée et Centre des Arts, en plus de la rénovation des hôtels Cirta et Panoramic et surtout de la construction de l’hôtel Marriott (Palace de 5*), pour augmenter les capacités d’accueil destinées aux touristes. Et comme le diront certains : «La rentabilité attendue dépendra des investissements consentis.»

D’anciennes opérations relevant du domaine touristique attendent aussi d’être concrétisées mais nécessitent néanmoins des délais plus longs et ne seront pas prêtes pour cet événement, comme la réhabilitation du ‘Chemin des touristes’, la rénovation des piscines de Sidi-M’cid, l’aménagement du terrain du Bardo, du site archéologique de Tiddis (à 27 km au nord-est de Constantine), etc. Mais ce qui constitue le défi majeur de Constantine, c’est la restauration ou plutôt ‘le sauvetage’ de sa Médina qui exigera du temps et d’énormes moyens…

Quant aux travaux ‘d’amélioration urbaine’ menés actuellement à une cadence rapide, ils concernent :
- La réfection de certaines chaussées et trottoirs du centre-ville.
- Le ravalement des façades de plusieurs immeubles d’habitation situés sur certaines artères (Bd. Belouizdad, Abane Ramdane, etc.).
- Le confortement du Boulevard ’Zighoud-Youcef ‘ (Bd. de l’abîme) et de l’esplanade de la Grande Mosquée Emir Abdelkader soumis aux phénomènes récurrents des glissements de terrain qui affectent, par ailleurs, d’autres sites de Constantine.
- L’aménagement et ‘végétalisation’ des talus de l’avenue Aouati-Mostefa, nettoyage des berges (et des falaises rocheuses) du Rhumel qui font les frais de décharges sauvages de la part de riverains peu soucieux de l’environnement…
- La ‘requalification’ de la Place des Martyrs (en face des hôtels Novotel et Ibis) pour accentuer sa centralité.
- ‘L’intensification’ de l’éclairage urbain en plus de l’éclairage (artistique) nocturne prévu pour certains monuments de la ville : (Théâtre, ponts, mosquée EAK, Monument aux morts, siège de l’APC, etc.).
- Et en marge de tous ces chantiers, le déplacement ou remplacement de…kilomètres de réseaux (souterrains) de distribution.

Notons que tous ces travaux qui créent d’inévitables désagréments pour l’ensemble de la population citadine (et surtout les riverains des chantiers) n’ont pas empêché la tenue de certaines manifestations culturelles propres à Constantine en cette période des mois d’août et septembre, telles que Le Festival du Malouf, celui de Dima-Jazz, version 2014 et le Colloque international consacré à Massinissa, roi de Numidie et fondateur de sa capitale Cirta, (colloque organisé dans la ville du Khroub à 12 km)…et qui constituent un avant-goût du vaste programme culturel de 2015.

Une large participation étrangère (représentée souvent par des entreprises d’envergure internationale) a été nécessaire autant que bénéfique pour conduire autant de projets. Les pronostics les plus optimistes tablent sur la réalisation effective de 50% de l’ensemble du programme inscrit à la date de l’ouverture de l’année culturelle (devant débuter au mois d’avril 2015). Quant au ‘reste à réaliser’, ce sera la suite d’un parcours devant aboutir à rénover ou du moins à améliorer le cadre urbain d’une cité somme toute millénaire…qui prend le pari de se moderniser.

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